jeudi, octobre 17, 2024

Le 09 novembre 1930, devant les Notabilités Béti naît le Canon Sportif de Yaoundé. C’est une initiative, du représentant de la France au Cameroun. Le Gouverneur Marchand passionné de football, a une idée particulière derrière la tête. Qu’en est-il exactement ?

Le Gouverneur Marchand, en fonction au Cameroun, pour le compte de son pays la France souhaite ardemment, organiser une rencontre de football, à l’occasion de la fête du 11 novembre 1930. Il s’agit une fois de plus, de célébrer l’armistice (fin de la première guerre mondiale 1914-18), comme cela est de tradition au Cameroun.

En marge desdites festivités, le Gouverneur Marchand manifeste la nécessité urgente, de voir dans les plus brefs délais, la formation d’un club de football. Celui-ci, sera constitué d’indigènes autochtones, originaires de la ville de Yaoundé et ses environs.

Cette formation doit en perspective, croiser le fer avec l’étoile indigène de Douala. La formation en question est constituée d’étrangers (européens et ouest-africains).

C’est de sa propre autorité, que le Gouverneur Marchand fait part de ce projet à son coiffeur, Alexandre Kollè (camerounais/originaire de la ville de Douala), ce 07 novembre 1930. Cette mission aux contours délicats, est clairement confiée à Alexandre Kollè.

Alexandre Kollè, l’émotion à la gorge, transmet ce message à son ami Martin Fouda, employé au bureau des domaines de la région Nyong&Sanaga (actuellement région du centre Cameroun).

Loin d’être confondu, au dernier individu de sa contrée, Martin Fouda est un homme digne de confiance, juste et loyal envers les siens. Il parvient avec le concours de Yéné Hermann (patriarche de la tribu béti), à la convocation d’une assemblée des Notabilités Béti « Ekuan-Afan », de la ville de Yaoundé, ce 09 novembre 1930.

La course au succès de l’entreprise, est sur les rails convenables, malgré l’urgence de la situation. Une lueur d’espoir de voir, se réaliser le voeu ardent du Gouverneur Marchand, se dessine à pas de géants. Les Notabilités honorent l’invitation à elles adressées.

Après la présentation de l’ordre du jour, par l’hôte de la rencontre (Yéné Hermann), l’assistance accueille favorablement, l’idée du Gouverneur Marchand. L’on décide à l’effet, de travailler sur le motif.

À présent, il est question, de trouver un nom de baptême au nouveau club. Une pléthore de suggestions sont faites Les unes aussi intéressantes, que les autres sur le sujet. Seulement, l’on n’est pas, parvenu à un compromis réel.

Mvogo Melingui, est un homme de poids. Ce patriarche, reste considérablement le plus âgé de tous. Il prend la parole, interroge l’assistance en ces termes : « Quel est le nom du fameux fusil, qui mit l’armée allemande en déroute à Yaoundé en 1916, et dont le cliquetis ‘kpa’, était suivi de la détonation ‘kum’ ? » Comme un seul homme, l’assistance se lève et répond : « Canon, Canon, Canon. » !

Yéné Hermann est désigné, premier président du club nouvellement né, après l’unanimité renforcée autour du nom de baptême.

Cet autre défi et non des moindres consiste, à trouver les jeunes, qui vraisemblablement livreront la rencontre. Les délais étant assez courts (09-11 novembre 1930), l’on procède par des choix à l’emporte pièces. Il s’agit, du regroupement de jeunes gens, habitués à des rencontres de football, comme spectateurs. Ce sont eux, qui fondamentalement constituent l’effectif de circonstance, pour ce club. Le fait ici indique considérablement, qu’à force de voir, les autres jouer à plusieurs occasions, ils sont plus aptes, à reproduire avec plus ou moins d’exactitude, le spectacle.

Le problème lié à l’équipement de joueurs, trouve facilement de solution, grâce à l’ingéniosité, de ceux qui pensent, qu’il n’y a aucune gloire sans histoire. Faire, venir les équipements de la France, prend d’habitude six (6) mois ! C’est embarrassant, pour des délais aussi limités. La nécessité pressante, de satisfaire un besoin ponctuel et immédiat, ne laisse dès-lors, aucun autre choix, qu’épouser le réalisme.

« Impossible n’est pas camerounais » ! Les joueurs du Canon Sportif, font apparition au stade ce 11 novembre 1930, en tenues disparates, pieds-nus.

Martin Omgba Zing (capitaine), Belinga François, Amougou Joseph, Ndono René, Lomo, Ada Vincent, Etoundi Linus, Belibi Assou, Ekani Victor et Salanafou constituent le onze entrant du jour.

L’adversaire du Canon Sportif (Étoile Indigène), est conscient de sa supériorité, l’habitude et l’expérience aidant. Il compte sans état d’âme, faire du Canon Sportif une bouchée. C’est un argument soutenable. D’autant, que le contraste vestimentaire seul, fait déjà la différence. Bien plus, certains joueurs du Canon Sportif tapent sur le ballon rond, gonflé, en cuir pour la première fois. On envisage de grosses peines en perspective.

Canon Sportif vs Étoile Indigène, ressemble étrangement à la bataille des extrêmes. Le minable David démuni à tout propos, affronte le puissant Goliath nanti de nombreux atouts psychologiques, sportifs et matériels.

Sur un ton sec et autoritaire, l’officiel du jour de nationalité française, siffle le début du match. À la douzième minutes de jeu, Ndono René dans une action individuelle bien enchaînée, bat à bout portant Etokè, gardien de but de l’étoile indigène.

Le public présent pousse une vive exclamation, pris sous l’effet d’une profonde hallucination. La fanfare du chef supérieur Atangana Ntsama salue l’exploit, dans une orchestration improvisée. C’est l’extase. Une folie de joie indescriptible envahie tout le stade, constitué majoritairement de supporters du « Kpa-Kum. »

Blessée dans son orgueil, l’étoile indigène se démène dans tous les sens. Malheureusement, rien de bon n’arrivera, jusqu’au coup de sifflet final.

Le Canon Sportif entre dans l’histoire par la grande porte. Il venait ainsi, de démontrer la véracité d’une pensée : « À coeur vaillant rien d’impossible. » Comme un don du ciel, le détonateur du Canon Sportif ébranle, et fait du coup méditer sur l’avenir.

Le rêve des lendemains mielleux s’installe, dans les esprits avides d’autres victoires éclatantes. Le palmarès qui suivra, indique considérablement, que club remportera à trois (3) reprises la Coupe d’Afrique des Clubs Champions, actuellement Ligue des Champions africaine (1971, 1978 et 1980). Aussi, il gagnera en 1979, le trophée de la Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupes (actuellement Coupe de la Caf). Des distinctions individuelles à l’échelle continentale, l’on dira de ses joueurs, qu’en 1979 et 1982 Thomas Nkono sera désigné « Ballon d’Or africain ». Tout comme Jean Manga (1980) et Théophile Abéga (1884), ont goûté aux délices de ce titre hautement prestigieux.

Thomas Nkono

Aujourd’hui plus que jamais, il est temps, d’interroger la situation actuelle de ce club particulier. C’est sous la contrainte du Gouverneur Marchand, que ce club existe. L’enfantement dans la douleur s’est effectué, sans que le géniteur, revienne sur les traces de son oeuvre.

Il est par conséquent temps, que les responsables en charge de la gestion du Canon Sportif, se retournent considérablement, vers l’autre parent. Pour, qu’il prenne à son tour ses responsabilités. Car, jusqu’ici l’on ne ressort nullement ces aspects historiques. Lesquels sont par ailleurs fondés et vérifiables.

Avec la fameuse idée de déclassification des archives, se trouve certainement, un rapport effectué en son temps, par le Gouverneur Marchand, sur cette célébration du 11 novembre 1930 au Cameroun.

L’option de ressusciter le passé est une bonne chose. Le Canon Sportif ressemble à cet enfant né, puis élevé uniquement par sa mère. À maturité, il ressent ce désir ardent, de faire connaissance avec son père géniteur. C’est bien là, la démarche à mener. Elle est un droit inaliénable, surtout en ces moments où, les exigences pressantes s’accumulent considérablement. Le devoir moral impose ainsi, de s’aligner sur cette autre réalité.

Tout simplement, que ce pan de l’histoire du Canon Sportif est visiblement ignoré, inconnu, méconnu, oublié ou enterré par les dépositaires de la tradition d’ici. Ceci reste crucial dans la mesure où, l’oubli du passé est cruellement mortel, pour son développement. Jamais, rien n’effacera de la mémoire, ces faits incontestablement vrais…

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